1. |
Exis-trans
03:10
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Exis-trans
T’sais j’ai beau m’accrocher aux ailes des papillons
m’élever à l’apogée, me plugger aux pignons
des maisons, m’approcher du premier du wagon de train
mon opinion ne vaut guère plus qu’un quignon de pain
j’ai tenté de l’crier, de hurler, d’ululer
même la nuit s’est moquée, s’est mise à m’emmurer
la lune aime les hommes, les aide à pulluler
alors je me questionne, pourquoi nous cumuler
j’accumule les erreurs, je le sais j’réfléchis
je provoque des terreurs chez toutes mes chums de fille
elles me disent mais tais-toi, tu d’vrais baisser d’la voix
on va s’faire remarquer, encaisser des coups d’bois
et tu vois ça m’rend triste, mais j’suis pas défaitiste
j’ai donc dressé la liste des meilleures solutions
j’ai caressé des pistes, cherché l’absolution
force est de constater : j’aurais dû être le fils
c’est vrai, à lui on ne demande pas se plaire
s’il s’enfile un deux onces, on n’remue pas le fer
s’il annonce qu’il renonce, ses parents restent fiers
car grâce aux p’tites annonces, il est par trois fois père
on ne l’fait plus exprès, c’est tout automatique
on ne paye que le prix de nos vieux historiques
alors c’est décidé, je dévie d’mon destin
j’refuse la cécité, j’veux ma part du mesclun
je deviendrai une salade humaine tout terrain
ou l’art de changer de sexe pour ne plus être qu'un trou terrien
pour ne plus être belle et devoir m’en cacher
pour ne plus être celle qu’on voudrait attacher
pour une réplique de trop, pour un sourire pas d’pot
par mon action, j’dis non au bâillon qu’on n’voie plus
à toute interdiction qui m’fait peser poids plume
j’veux être un vrai maillon dans mon maillot poilu
je veux pouvoir palabrer, m'bagarrer, tendre au faîte
au mont ivresse d’mon existence sans être perplexe
et frapper dans l’ballon sans toujours être fairplay
ou attraper l’melon sans en prendre pour perpète
j’veux m’la péter sur les trottoirs, le torse à l’air
j’veux m’émietter sur les comptoirs au corps de pierre
qu’on surkiffe mes avoirs, mon savoir et ma mère
et qu’on me plâtre au clitoris de l’art topiaire
gratifiez moi d’un paon, j’ai l’ego dans la poupe
l’habitude en suspens, l’ambition d’un mois d’août
de faire chauffer les salles, l’auditoire tout entier
de séduire en rafale peu importe c’qu’il en coûte
parce qu’un paon qui parle ça s’écoute
quand une femme qui parle ça s’écourte
parce qu’un paon qui s’perd, ça s’sépare
quand une femme qui part ça s’repère
parce qu’un paon qui s’porc, ça s’en tire
quand une femme qui s’pend, ça s’enterre
et j’ai peur de mourir, de mourir pour un rien
un rien qui prend d’la place, encore plus de paperasse
j’ai peur d’mourir pour des idées qui ne valent rien
j’veux pas souffrir pour des lubies d’homo sapiens
alors oui voilà j’avoue sans plus d’suspens
qu’sous ce corps, mon cortège, j’ai eu peur d’être suspecte
et qu'à mon plus jeune âge, âge où l’on se détecte
j’ai failli me renier pour devenir un mec.
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2. |
Je ne suis pas une femme
03:38
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Je ne suis pas une femme
On m’a dit, répété
et j'ai fini par le décréter
à mon tour, à mon dam
je ne suis pas une femme
je ne sais pas séduire, conquérir
je batifole
je ne sais pas coudre ou recoudre
je rafistole
je ne sais pas cuisiner, mitonner
je marmitonne
je ne sais pas me sommer, me soumettre
aux camisoles
je ne sais pas marcher en talons
je me casse-gueule
je ne sais pas parler à tâtons
j’ai une grande gueule
je ne sais pas pimper mon physique
comme qui le veut
même si parfois, parfois
je mets un élastique dans mes cheveux
mais ça ne fait pas de moi une vraie femme !
j’ai pas le son quand tu me chantes ton refrain
j’ai pas le ton super poli, ni de frein
mon rire détonne au d’là d’l’azur
vingt ans plus tard, mon rire assure… j’l’assume !
j’enfreins toutes les règles qui me dépassent
toutes mises en place il y a des décennies
et je veux annoncer mon mécénat
je mise sur l’avenir, la liberté, non sur le déni
mais je ne suis définitivement pas une femme
je pleure pas devant les gens
j’ai trop d’poils entre les yeux
j’ai un trop faible entregent
et quand j’crie ! j’fais des peureux
j’ai rien pour plaire
ni à traire ni à taire
j’ai pas d’secret
mais j’ai du flair
et ça, ça déplaît
sur tout le planisphère
pourtant mon cri du coeur vient d'ailleurs
car dans les yeux de la jeune fille qui les espère, ils sont un rêve
dans les mains du prétendant qui lui les serre, ils sont un but
sur le corps des femmes en fleur qui les exposent, ils sont un moyen
dans le slip des boutonneux où tout explose, ils sont des dieux
mon cri du coeur
se soulève d’entre les montagnes
se soupèse dans mon ancestral
se foutaise dans le silencieux
je ne suis pas une femme parce que je n‘ai pas d’seins
j'n'ai pas de poitrine, de nichons
de vitrine à saucissons
mais deux oeufs miroir
comme pour se regarder l’incohérence en face des mamelons
j’ai pourtant bien accompli mon devoir d’ado-femme avec dévotion
pour décupler mes chances de voir se pointer mon tout option
j'ai frotté la saleté entre les plis
ignoré sa sainteté et vu un psy
sans succès
et j’ai survécu à la honte
à la pression des mères
au complexe
à l’agression des pères
au complexe
aux curiosités sectaires
aux ambitions pervers
au complexe
au syndrome de l'imposteur
et même si ça fait encore débat et des hauts
et même si j’ai jamais de déo sous les bras
je suis une femme
une femme sans seins
qui sans cesse cherchait un sens à cette absence
mais aujourd’hui, j’assume mon rire sonore et honore mes deux nains
et si jamais ça venait à perturber ton confort et tes certitudes visuels
et bien, ce n’est rien, je te pardonne
parce que je sais que si un jour nous venions à évoluer nu•es sur ce sol que nous foulons du textile au textuel
j’en connais plus d’un qui se mettrait à clamer ô combien ils ne sont pas des hommes.
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3. |
Je l'sais qu'tu saignes
03:09
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Je l’sais qu’tu saignes
les langues de pute a’parlent, a’parlent
mais moi j’veux pas qu’tu t’carapates
j’veux qu’on se danse la carmagnole
que claquent nos jupes de Catalogne
parfois l’armoire est une armure
tu mets du mou quand l’âme meurt
du grand, du large, t’es l’acteur·ice
du bal d’une vie, de ses caprices
laisse parler l’inconséquent
celui que ton corps n’inspire pas
laisse-les parler ces gens, c’est quand
qu’on les ignore qu’ils s’en tirent pas… gagnants
Je l’sais qu’tu saignes
qu’les mots qui sortent sont des matraques
coups assénés qui mettent patraque
et dans ta tête y a des fougères
qui se complètent comme des fous gèrent
un big hôpital psychiatrique
y a des sourires qui trompent personne
et des soupirs que nos pères signent
y a des satyres que nos mères soignent
et des combats qui manquent de hargne
j’sais pas mentir même en trompe l’œil
mon cœur chavire devant l’soleil
alors crois-moi quand je te parle
t’as l’âme brillante comme une perle
et j’peux pas croire que dans le monde
y a des personnes qui battent des ailes
plus fort qu’le vent s’abat chez elles
emportant tout, tes joies, tes rires
Je l’sais qu’tu saignes
mais y a du beau dans l’immobile
alors bouge pas, fais l’playmobil
un jour une main viendra cueillir
ce qui s’piétinent sous les semelles
tes beaux pétales, ta tige froissée
dans l’absolu, ça peut être toi
tu as la force de c’qu’elles se mêlent
ces langues biaisées de laids phrasés
c’est pas le corps qui définit
c’que la tête porte et c’est fini
j’crois qu’ceux qui ont un déficit
c’est ceux qui jugent à l’infini
qui s’moquent, critiquent mais au final
c’est même minable quand on y pense
y a rien dans l’froc des mesquin’ries
juste le miroir des mecs qui rient
et si c’était une question d’chance
on en tir’rait à la lot’rie
des vannes couteaux prêtent à planter
on sortirait notre artill’rie
juste avant d’se la transplanter
j’le sais qu’tu saignes
et m’en veux pas, j’le vois qu’tu baignes
dans le sang des mots acerbes
t’es dans mes bras, j’te lâch’rai pas
mais c’que tu vis, y faut qu’ça serve
que ça TE serve, pas de leçon
mais de moteur comme une revanche
une rage de vaincre comme une relance
de ton toi trop longtemps remisé·e
et quand tu seras reprisé·e
de toute cette haine qui t’a brisé·e
mes bras toujours t’enlaceront
nouvelle armure sans son armoire
un simple voile de protection
pour que tu puisses fermer les yeux
te faire toi-même tes projections
et revêtir ta part des cieux
je l’sais que tu saignes et qu’tu m’crois pas
pas encore et c’est ben normal
on ne peut pas tirer d’morale
quand on s’débat, que la mort parle
plus fort que la somme de nos astres
pourtant crois-le ou non, l’ami·e
c’est quand on n’sait pas où on l’a mis
qu’le goût d’la vie forme une rosace.
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4. |
Cœur de femmes
03:04
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Cœur de femmes
On voudrait que la femme soit
douce, qu'elle glousse, se trémousse
qu'elle tousse discrètement
qu'elle les boost secrètement
qu'elle retrousse ses manches
mais sa bouche en revanche
qu'elle se couchent sur leurs hanches
c'est connu une femme doit
souffrir en silence
s'offrir en freelance
suffire aux finances
soutenir sa brillance
sourire sans la jouissance
s'ouvrir aux réjouissances
se cacher pour pisser
et marcher en glissant
se bâcher la psyché
et baffer en griffant
pas de poste à haut grade
pas de jupe ça dégrade
C'est pas pervers ni péché
si tu te gardes pour le privé
une femme peut donner la vie
mais jamais son avis
elle doit tout concilier
conseiller, concéder
elle doit bien s'apprêter
et se prêter aux modes
sans jamais s'arrêter
d'être polie et commode
une femme ça s'échange
sans jamais déranger
et ses formes démangent
mieux vaudrait les ranger
si se taire, se terrer
c'est céder sans mot dire
c'est s'aider que de dire
terminer j'me retire
j'entends un peu partout
que les femmes doivent attendre
qu'on permette leurs atouts
et qu'elles doivent dépendre
des permissions d'un homme
pour croquer dans la pomme
pour dépenser une somme
ou disperser ses cendres
en vérité je vous le dis
mesdames et mesdemoiselles
vous êtes tout c'qu'on dit
tant que vous pliez vos ailes
n'attendez plus les ordres
les dons, les permissions
soyez ce doux désordre
soyez la perdition
de ce monde insensé
où même savoir danser
peut devenir un crime
où même savoir penser
peut devenir un crime
où même savoir penser
est devenu un crime
osez vous exposer
et même plus, explosez
tenez haut le fusil
baptisé liberté
brandissez l'hérésie
visez la et tirez
la violence systémique
faites aux femmes me panique
pompe à fric, à pouvoir, soumission et j’en passe
lentement mais sûrement la raison s’éradique
quand on parle à l’instinct d’un patriarcat vorace
et je rêve d’un futur ou une jupe, un foulard
ne signifiera plus qu’on est pute ou cougare
qu’un regard romantique n’éveillera pas le square
qu’une femme que l’on sème s’ra une femme qui s’aime
sans s’ranger, sans danger
sans changer de trottoir
sans longer le mouroir
l’égalité des sexes
c’est partager l’amour et les difficultés
sans posséder son autre, sans jamais le juger
c’est avoir le courage de ne pas culbuter
ses rêves et ses espoirs mais l’y accompagner
dans mon monde de demain
les femmes rient et s’égarent
elles se gourrent, elles s’évadent
escaladent ou dévalent
elles se valent et se veulent
libres de s’accomplir
de se lever, de s’élever
sans dépendre d’autrui
et surtout, surtout
sans ne faire qu’en rêver.
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5. |
Connexion
03:14
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Connexion
Faut penser précis, c’est précieux
sans jamais s’presser, sans pression
pouvoir apprécier chaque instant
quand j’regarde dehors, chacun s’tend
de ne pas s’connaître, chacun s’tait
pour ne pas le r’connaître mais c’t’un fait
et c’est triste à voir, chacun fait
tout ce qui lui plaît mais au fond
c’est comme un tunnel sans plafond
y a un ciel ouvert, mais pas d’fond
d’étoiles assommées à s’baffer
la tête contre des murs qui s’perforent
car les crânes sont durs et parfois
j’aim’rais ça qu’on s’prenne par la main
et qu’on s’voie sous la croûte, la mie
et qu’on trace la route de l’amour
y a des ch’mins plus faciles que d’autres
mais y a pas d’autre issue que d’être
de se r’garder en face, les yeux
et les ongles et la chair des cieux
et si on essayait avant d’être vieux
avant d’être assaillis par eux
tous nos démons d’antan qui se
frayent un long sentier crasseux
dans nos moindres méandres gênants
sinon c’est comme d'Iphigénie
nous s’rons victimes de ces génies
faut penser précis, c’est précieux
sans jamais s’presser, sans pression
pour pouvoir apprécier le présent
car sans ça l’avenir s’échappe
nous glisse entre les doigts qui chopent
les petits grains d’sable puis chipent
tout ce qu’on ressasse sans cesse
car rien ne s’efface sans sens
et rien n’existe sans conséquence
et c’est quand on sait quand et qu’est-ce
qu’on fait enfin preuve de souplesse
à notre égard et qu’on soupèse
l’importance des liens entre nous
et avec son soi qu’on renoue
les cordes distendues qui renient
le cœur et à ce moment-là
on s’apprend au-d’là des mantras
et on voit nos chaînes, nos montagnes
et nos vents délient nos montages
démantèlent nos défis, nos plantages
et on peut grandir en platanes
parce qu’ensemble on est une forêt
amas de géants qui sauraient
kiffer quand d’un coup l’effort naît
et je n’parle pas ici d’labeur
mais plus de comment on l’aborde
ce projet de vivre tous ensemble
faut penser précis, c’est précieux
sans jamais s’presser, sans pression
pour pouvoir apprécier qui on est
et ainsi se transmettre un peu
et qu’on ne se crache pas tout croche
en clashes voulant sonner les cloches
c’est trash de s’cacher à soi-même
de toujours arriver troisième
quand on peut tous être le premier
de quelqu’un d’autre et puis prôner
un peu de soi pour s’compléter
loin des débats, des compèt’ et
des jours gris qui n’ont rien donné
jusqu’à ce jour que des damnés
des oubliés et des mal nés
alors rêvons précis, c’est précieux
et sans pression, ne pressons rien
si c’n’est le jus que donne le sein
de l’espoir d’un jour se savoir
assez pour ne plus se blesser
et enfin s’fixer et s’asseoir
sur nos racines entrelacées
ça me fascine, l’encre trace et
je m’imagine toujours rêver ainsi
et toi ?
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LEM Sherbrooke, Québec
“De l’écriture à la résilience, dire”
Avant, elle écrivait pour fuir la violence de sa famille,
puis ce fut pour guérir.
Aujourd'hui, LEM prend la parole en livres et scènes pour briser les tabous.
2020, lauréate du tournoi de slam Québec-France/francophonie
2021, Lauréate du tournoi de slam au FISPA.
Forte de son parcours, LEM inspire par sa résilience et ses prises de parole.
... more
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